Lors de la séance plénière de la CAP officiers qui s’est déroulée le 28 juin dernier, nos représentants autonomes se sont exprimés par une déclaration :
Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres de la C.A.P.,
Je vous remercie de bien vouloir accorder au syndicat AUTONOME, ce moment, afin qu’il s’exprime.
« Ça va mieux », semble-t-il, nous aimerions que ce soit effectivement, la formule la plus adaptée, mais nous sommes loin du compte. La situation des SDIS, nous préoccupe, notre sentiment aujourd’hui, c’est une absence de prise en compte de nos responsables. Localement comme au plan national, les sapeurs-pompiers, sont devenus pour beaucoup trop d’élus, un instrument de communication. Ne négligeons pas le fait, qu’en France, des collègues nous quittent, certains lors d’interventions, et là, positivement, leur famille et leurs proches reçoivent alors un soutien bien légitime, ce qui n’est que logique, dans ces moments de douleur. D’autres nous quittent…, dans une indifférence coupable. Nous rappellerons, cette année encore, que la Fédération Autonome, n’a eu cesse de dénoncer des pratiques, en vigueur dans certains SDIS, source d’une souffrance au travail inacceptable à notre époque. Oui, ….des sapeurs-pompiers se sont donnés la mort. Ils ont préféré cette issue dramatique plutôt que de continuer à affronter un quotidien insupportable. Bien entendu, ils ne font pas là une, cette fois, et ceux qui ont peut-être une part de responsabilité se défausseront. On évoquera la fatalité, aucune place ne sera laissée, ni aux regrets, aux remords.
« Manager, diriger », le système dans lequel nous évoluons, veut simplement qu’aujourd’hui, l’un ou l’autre des principes exercés avec trop de rigueur, et de fait, subis dans certains SDIS, ont de graves conséquences sur les agents. Nous avons tous des prénoms de collègues, en tête, qui ont préféré mettre un terme à leurs souffrances en se donnant la mort. Derrière ces prénoms, il y a des êtres humains, il y a des familles. C’est vous, c’est un parent, un proche, qui pouvez demain, vous retrouver confrontés à cette situation, si personne ne prend la mesure du problème. Bien évidemment, nous entendons déjà les cris d’indignation de certains cadres qui n’ont de supérieur que le nom, mais les faits sont là, des vies se sont éteintes.
Les effets de mode ont mis sur le devant de la scène les risques psycho-sociaux. On cherche à traiter le patient pour se donner bonne conscience, mais prend-on le temps de s’interroger sur la cause de son mal, de son mal-être, vous imaginez bien le résultat, inutile de vous faire un dessin ! Combien de cordes accrochées avant d’agir ? Oui les mots sont durs, mais ils ne le sont pas autant que les conditions de souffrance de certains de nos collègues. Dans le meilleur des cas, les causes sont parfois multi factorielles et nous n’avons pas l’outrecuidance de pouvoir tout expliquer. Pourtant, il est des comportements révoltants qui abîment notre profession et que l’Etat cautionne par son silence. Les méthodes de management archaïques appliquées dans certains SDIS ne sont plus tolérables. Tout cela, pour bien vous faire comprendre, que nous ne nous rêvons pas co-gestionnaires, mais bien parce que nous estimons que c’est parfois le rôle des partenaires sociaux d’être un relais, une assistance, un soutien.
Relais aussi de ce qui se passe dans certains départements qui utilisent des méthodes obscures pour juger de la valeur professionnelle de leurs agents. Pour exemple, au sein du SDIS 38, il règne une certaine opacité qui est contraire à l’exigence de transparence qui doit imprégner le mécanisme d’évaluation des agents. Au-delà de critères très subjectifs, la méthode visant à recueillir des avis multiples sous couvert de l’anonymat, conduit inéluctablement à des procédures inégales et illégales.
La gestion de trop nombreux SDIS est aujourd’hui inquiétante. Le népotisme a parfois remplacé la méritocratie, l’opacité pris la place de la transparence, où sont les promesses d’une République exemplaire ?
Nous avons combattu la réforme de 2012 et le temps nous a finalement donné raison, le résultat est à la hauteur de nos craintes. Derrière une idéologie égalitariste insensée, fantasme d’une poignée de technocrates, l’Etat veut à tout prix que tous les fonctionnaires rentrent dans des cases superposables et interchangeables. Des mesures incohérentes, issues d’une bureaucratie totalement déconnectée des réalités, ont conduit à des ravages pour nos sapeurs-pompiers. La catégorie B en porte les traces aujourd’hui encore. Les inégalités se creusent, NES, PPCR, derrière ces acronymes pompeux, ce sont des vies professionnelles au service de la population qui se fracassent contre le mur de l’indifférence. Le dialogue social est un monologue depuis trop longtemps. La prévalence sibylline d’associations loi 1901, sur des organisations syndicales représentatives du personnel interroge sur la volonté de la Place Beauvau à apaiser le climat social.
Après la réforme néfaste de 2012 nos collègues de catégorie B sont les premiers exposés au protocole PPCR, et verrons leur carrière une fois encore mal considérée au regard de leurs missions.
Et cette réforme destructrice continue de faire des dégâts…Comment expliquer l’absence de concours de lieutenant hors classe en 2016. La population qui peut se présenter à ce concours est en grande partie issue des premières nominations de grade de major à celui de lieutenant. Depuis 2012, ces agents qui n’ont pas bénéficié du ratio de 15% pour être nommé, sont bloqués dans leur échelon sans aucun avancement. C’est inexplicable et pénalise bon nombre d’agents qui partiront sans doute à la retraite à un échelon bloqué depuis des années.
Pour nos cadres, les textes sur les ESD, ainsi que quelques ajustements réglementaires vont faire illusion. Là encore une parodie de dialogue social ! Des textes hélas inachevés, irrationnels visant un certain nombre de bouleversement, et cherchant à vulgariser notre profession en la faisant rentrer de force dans un moule commun à toutes les fonctions publiques. Sans doute, détruiront-ils probablement encore des carrières, des vies, des rêves.
Pour en terminer avec ce propos, je voudrais citer Jean-Jaurès qui a dit avec justesse, « le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ». Notre diagnostic se veut alarmiste, sur la souffrance au travail car il y a péril en la demeure. Pour comprendre cela, il faut prendre un peu de hauteur loin des clivages dépassés. De quoi est fait le quotidien d’un sapeur-pompier ? Vos pompiers, nos collègues, côtoient la misère, la détresse, les drames humains, nous rentrons là où personne ne voudrait aller pour porter assistance à nos concitoyens. Vers qui se retourne-t-on dans ce pays en cas de crise, quand les rivières débordent, quand les forêts partent en fumée, quand les trains déraillent ? Les sapeurs-pompiers partagent le quotidien de tous ceux qui souffrent en France, ces conditions de travail sont difficiles et même si nous bénéficions du soutien de la population, nous nous sentons trop souvent oubliés de la haute hiérarchie et des politiques, mais également et surtout du manque de vraie reconnaissance qui nous est légitime.
Notre déroulement de carrière, il est important, beaucoup plus encore que vous ne l’imaginez, car il nous permet de supporter les aléas de cette vie au service des autres, mais il est plus important encore de se souvenir que derrière chaque décision prise, il y a un être humain, une vie, une famille, que personne, je dis bien personne, n’a le droit de délaisser.
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Suite à cette déclaration, les Autonomes se sont abstenus sur les tableaux d’avancement présentés par le SDIS38. Les autres syndicats ont suivi cette position.
Tous les autres dossiers ont reçu des avis favorables.
La prochaine CAP officier est d’ores et déjà programmée le 29 novembre. Elle sera précédée d’une pré-CAP le 22 novembre.
Lire le communiqué : COMMUNIQUE AUTONOME – Déclaration Autonome CAP officier du 28 06 2016, le 30 06 2016